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Violence et contre-performance chez le jeune sportif

Violence rime parfois avec contre-performance. La défaite fait heureusement partie du sport, et si on était certain de gagner, quel serait l’intérêt de se présenter à une compétition ? Et pourtant, on a beau se rassurer comme on peut, les émotions de notre enfant peuvent nous atteindre. Vous avez secrètement honte quand il se met à taper du pied ou à hurler pendant une heure après une compétition ? Vous avez l’impression de ressentir sa douleur, sa colère ? Vous ne savez pas quoi faire ? Voici quelques éléments de réponse.

1 La gestion des émotions après une contre-performance : une porte d’entrée en préparation mentale !

C’est une des portes d’entrée vers la préparation mentale pour les jeunes. J’ai déjà eu le droit à des histoires remplies de colère et d’amertume, entre rétroviseurs cassés sur les parkings ou hurlements incontrôlables au milieu du gymnase. Vous vous en doutez bien, ce sont évidemment les parents qui prennent contact : « pouvez-vous faire quelque chose pour mon fils en tant que préparateur mental » ? C’est toujours un peu amusant  d’ailleurs (bien sûr que j’en ai honte !), car déjà au téléphone on sent à quel point le sujet est épineux. La thématique est amenée avec beaucoup de calme souvent, et je sens bien l’impuissance derrière les mots. En tant que parent, je le comprends très bien. L’amusement vient donc de là, nous restons tous des êtres humains et je ne suis pas non plus épargné par les thématiques de la préparation mentale en tant que « papa ».

Du point de vue des enfants, quand je m’entretiens avec eux, j’ai beaucoup de phrases du genre « mes parents ont honte de moi sur le moment, ça se voit ». Voilà un excellent cocktail : une double déception, sportive et familiale. Et en général, les jeunes ajoutent : « c’est pour ça qu’ils m’ont dit que je devais aller voir un préparateur mental ».

Alors, est-ce pour ne plus avoir honte, ou pour aider leur enfant à retrouver le sourire et la confiance ? Et si c’était un mélange des deux ? Vous avez le droit si c’est le cas ! Surtout si la loi des séries s’en mêle, et que la contre-performance n »arrive pas seule. Le cercle vicieux est parfois bien en place, et les déceptions s’enchaînent dans la douleur.

2 Les émotions sont inévitables et essentielles

Dans la rubrique des portes ouvertes sur lesquelles on aime foncer quand l’occasion se présente : sans émotion, nous ne serions pas humains. Ce qui me gêne toujours un peu quand on vient me questionner sur la question de la gestion des émotions, c’est que ça donne une image négative de tout cela. Comme si c’était mal, de ressentir. Pourtant, un sportif qui arrive à revivre, à amplifier ses sensations ou émotions, fait preuve d’une une vraie qualité !

Vous pensez que la colère est forcément une émotion négative ? La colère donne de l’énergie, elle provoque des réactions incroyables dans notre corps, et bien heureux sera celui qui pourra s’en servir au bon moment, tout en ôtant ce qui est inutile. Une émotion, en réalité, n’est pas bonne ou mauvaise, elle apporte toujours d’autres idées, points de vue, d’autres sensations, même si évidemment elles font parfois très mal. Après la pluie, le beau temps, dit-on. Après la tristesse, la créativité ?

La force d’un artiste, c’est parfois de s’inspirer de ce qui le touche au plus profond de lui-même, en sachant s’en écarter ensuite. Pour rétablir son propre équilibre. C’est se servir de sa sensibilité pour créer, émouvoir, sans se laisser ronger par ce qu’on ressent au quotidien. Et heureusement, il est aussi possible de créer, d’improviser, de composer sans douleur !

Donc finalement, ce qui pose vraiment problème, ce n’est pas tellement l’émotion. C’est « l’après-émotion ».

3 Une émotion est de courte durée

Une émotion est incontrôlable. Qui peut s’empêcher de sursauter en cas de surprise ? Vous pensez que certains y parviennent ? Qu’ils arrivent à écarter la colère, le dégoût, la tristesse, la joie ? Vous vous trompez ! Ce que ces gens savent très bien faire, c’est gérer « l’après-émotion », et non l’émotion elle-même.

Une émotion est toujours de courte durée, de quelques millisecondes à une minute maximum. Vous avez déjà sursauté pendant 20 minutes vous ? Cela dit, il est possible de sursauter plusieurs fois en 20 minutes ! Tout comme il est possible d’avoir plusieurs fous rires par exemple.

L’après-émotion, c’est le monde des humeurs, des états d’âme, et plus éloigné encore, celui des sentiments ; ces derniers sont des projections mentales de nos émotions. Vous n’êtes plus dans l’émotion dès que vous arrivez à vous poser cette question : « est-ce que je pourrais me comporter autrement ? » En réalité, il faudrait inventer un verbe entre « pouvoir » et « vouloir ». Si je pouvais, est-ce que je pourrais reprendre le contrôle sur ce que je vis ? Juste se poser la question, c’est prouver qu’on n’est plus dans l’émotion, mais dans la phase située juste après. La phase qui nous permet d’y replonger, de l’amplifier, de manière un peu détournée. Ou l’inverse.

Car si la colère est une émotion, on ne peut pas être en colère toute la journée. On devient plutôt agacé, irritable, et ça ne tient qu’à nous ! Ce n’est plus la faute de l’émotion !

Jeune skieur

4 Une émotion doit s’évacuer

La pire des choses à dire, c’est vouloir priver son enfant de ses émotions. D’une part parce que c’est impossible, et d’autre part parce que ça ne ferait qu’empirer les choses. Contenir des émotions sans les libérer, comme c’est le cas après une contre-performance, c’est comme fabriquer une bombe à retardement.

Vous pensez que c’est uniquement valable pour les émotions qualifiées habituellement de « négatives » ? Vous vous trompez, nous devons aussi exprimer notre joie ! C’est juste que c’est en général plus facile avec le sourire.

C’est ça qu’il faut comprendre : votre enfant a ressenti quelque chose de très fort en lui. Et c’est normal. Une fois qu’il a compris qu’il pouvait se poser cette question, « est-ce que je pourrais agir autrement ? », il peut temporairement mettre de côté sa tristesse teintée de colère ou de je ne sais quoi d’autre pour l’évacuer à un moment plus opportun.

Quand j’accompagne un jeune sur cette thématique, je peux vous assurer qu’il a conscience de cela, et qu’il souhaite que ça change. Je n’ai jamais eu le cas d’enfants qui me disaient « je veux continuer à hurler pendant des heures ». Et si cela arrivait, j’orienterais les parents vers un psychologue.

Lors d’une séance, on illustre tout ça, on verbalise, et les premières images mentales se mettent en place. L’enfant comprend que ce qu’il vit est normal, et qu’il peut tenter d’agir différemment ensuite, en société. La question n’est absolument pas de vouloir cacher, mais plutôt de se protéger. Il doit aussi bien avoir en tête qu’il faudra évacuer son émotion de manière respectueuse, bienveillante, et efficace. Sinon la bombe explosera d’une manière ou d’une autre.

5 Évacuer les émotions après une contre-performance

L’enfant repart donc avec une boîte mentale, dans laquelle il peut placer son « après-émotion ». Bien sûr qu’il a encore envie d’hurler, de pleurer, de crier, de taper sur les rétroviseurs, de crever des pneus ! Mais c’est dans une boîte, pour son bien-être, et celui des autres. À ce moment-là, vous êtes prévenu en tant que parent : ça doit sortir le plus vite possible ! Permettez-le. D’ailleurs, s’il sort d’un entretien avec moi, je vous le dirai aussi. Ne jetez pas de l’huile sur le feu.

Après une contre-performance, il essaiera sûrement de rester neutre, ou de se contenter de montrer sa tristesse sans violence. Ne le cherchez pas ! Respectez son silence s’il en a besoin. Surtout dans la voiture, sur le chemin du retour.

Alors, comment évacuer tout ça ? L’objectif, c’est de le faire de manière respectueuse, ça vaut pour soi ou pour les Autres. De manière saine. Certains sportifs font une bonne séance de sport très intense, quitte à courir bêtement pendant 15 minutes dans le jardin ;  d’autres écoutent de la musique inécoutable en temps normal, chacun trouve son exutoire ! Vous avez peut-être déjà quelques idées ?

À titre personnel, bien qu’étant un enfant très calme à l’époque, je savais qu’écouter des solos de guitare me permettait facilement d’évacuer toute ma colère. Car même un enfant timide et d’apparence très zen peut contenir une certaine violence. J’en sais quelque chose.

6 Est-ce qu’il existe d’autres moyens pour évacuer ses émotions ?

J’entends les plus grands maîtres zen me dire « mais avec la respiration, on peut évacuer facilement sa colère ». C’est possible, mais pas pour tout le monde. Et pas forcément pour un enfant dans de telles conditions. J’ai même tendance à croire que respirer profondément ne fait qu’augmenter la pression dans la cocotte-minute à cet instant ! Laissez-les avec leur boîte mentale. Et en préparation mentale, on leur donne aussi des clés pour porter leur attention ailleurs. Respirer, sans une certaine expérience, c’est parfois ouvrir les mauvaises portes et laisser revenir les mauvaises pensées. Dans l’ordre, ils ont d’abord besoin d’expulser tout ça, et ensuite, éventuellement, de faire quelques exercices de respiration ou méditation.

Cependant, bien respirer régulièrement, travailler avec d’autres outils aussi, comme l’imagerie mentale, cela permet de réduire l’intensité de l’après-émotion. Il existe donc bien d’autres outils, évidemment. On apprend à relativiser, à prendre du recul. Parfois d’ailleurs, le regard des Autres est un remède naturel très efficace ! Soudainement, l’enfant n’a plus envie d’être vu comme le « colérique ». Il faut rester vigilant en tant que parent, car l’émotion devra s’évacuer quand même.

N’oublions pas que nous sommes ici dans un cas particulier : réduire au plus vite la violence. La respiration sera importante, mais avec un peu plus d’entraînement. Si les métaphores peuvent déjà fonctionner, la boîte par exemple avec leur émotion dedans, laissons-leur une chance.

Jeune nageur en compétiton

7 Les cas des pleurs sans violence après une contre-performance

Dans cet article, il est plutôt question du brûlant sujet de la violence, de la colère, et donc des comportements associés. Bon nombre de sportifs, enfants ou adultes d’ailleurs, ont la larme facile après une contre-performance. Pleurer, dans ces moments, est sûrement une bonne chose ! Retenir un bâton de ski de finir sa course dans la vitre d’une voiture, c’est important, mais empêcher les larmes ne servirait à rien. Au contraire.

Dans le cas de la tristesse, les enfants apprennent aussi à ne pas entretenir inutilement l’après-émotion. À ne pas l’amplifier. On a le droit d’être triste, mais pas de noircir davantage le tableau. On sait que la tristesse, historiquement, joue un rôle social très important. C’est parce qu’on pleure que les Autres viennent nous soutenir, qu’ils viennent vers nous. Est-ce toujours le cas dans ce monde ? Autre question, à réserver aux spécialistes ! Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a normalement pas besoin d’en rajouter pour que quelqu’un vienne vous montrer qu’il vous aime !

Les plus pudiques mettront tout ça dans une boîte et pleureront dans la voiture, à la maison, ou à l’hôtel. Pourvu que ça sorte, c’est bien l’essentiel !

En conclusion

Les émotions de nos enfants sont essentielles et inéluctables, et pas uniquement après une contre-performance d’ailleurs ! Mais on peut rapidement leur montrer qu’ils ont le pouvoir d’agir sur leurs conséquences, sur ces pensées et comportements plus noirs que noirs ! Cela va de soi, ils apprennent aussi à les identifier.

Ils sont souvent rassurés à l’idée de ne pas s’empêcher de ressentir, et ils apprennent petit à petit à vivre avec. Croyez-moi, je connais bon nombre de sportifs de haut niveau qui pleurent dans leur chambre d’hôtel, après avoir répondu sagement aux questions des journalistes. Certains pleurent devant eux, mais pas tous. D’une manière ou d’une autre, tout s’évacue, et c’est normal. C’est sain. C’est donc un point très important : ne pas vouloir contenir et trouver le moyen et le moment opportun pour évacuer une émotion.

Dans certains cas, il se peut que ça ne suffise pas. La violence est toujours présente. Car la colère ne vient pas seulement de la contre-performance. Quelque chose se passe bien plus en profondeur. Je ne peux que souligner l’importance du travail des psychologues sur ces sujets. C’est là que s’arrête mon métier. Et que naît une belle collaboration aussi !