Il existe bon nombre de tutoriels et de petits secrets pour booster sa confiance en soi. Soyons honnête, quand on doit travailler avec quelqu’un sur cette thématique, c’est tout de suite moins facile que sur Youtube. D’ailleurs, les entraîneurs et les préparateurs ont-il toujours confiance en eux ? Voici quelques éléments de réponse, et des réflexions à mener.
La perte de confiance, cette porte d’entrée vers la préparation mentale
Statistiquement, lorsqu’un sportif me contacte pour un suivi en préparation mentale, il le fait dans 1/3 des cas pour résoudre un problème de confiance en lui. C’est dire si le sujet est omniprésent dans mon travail ! C’est aussi pour cela peut-être que la préparation mentale « souffre » d’une image un peu faussée parfois : le travail mental, c’est pour ceux qui ne vont pas bien. À ce stade bien sûr, et je le rappelle aux principaux intéressés : je ne vois que des sportifs qui vont bien !
Avoir un passage à vide, douter, c’est quand même aller bien. Ou ne pas forcément aller mal. L’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein, n’est-ce pas ? Quand je sens que c’est plus profond, plus grave, quand je vois aussi que cela sort de mes champs de compétences, j’oriente les sportifs vers des psychologues. Fin de carrière, traumatisme, choc émotionnel, je ne suis pas du tout formé à cela, et à vrai dire je n’en ai jamais ressenti l’envie.
La confiance en soi est une thématique vaste ! J’ai beau avoir lu de nombreux ouvrages sur le sujet, certains étant passionnants, ma réponse est toujours un peu déstabilisante quand on vient me voir en me disant « je n’ai pas confiance en moi, ça se travaille ? ». Existe-t-il des outils pour ça ? Régulièrement, il m’arrive de demander aux sportifs ce qu’ils feraient à ma place. Ils se sont forcément posé la question, non ?
Non, pas toujours, alors ça se tente !
Pour les émotions, la concentration, l’apprentissage, la mémorisation, ou pour la majorité des thématiques travaillées en préparation mentale, j’obtiens toujours des débuts de pistes : « je ferais ça », « peut-être qu’il faudrait ci ». Certes, c’est hésitant en général, mais on a de quoi amorcer la discussion. Pour la confiance en soi, c’est toujours le néant. Allez demander à quelqu’un de quoi il aurait besoin pour retrouver confiance en lui, que vous répondra-t-il, si ce n’est des éléments que vous ne pouvez pas lui apporter ? J’exagère un peu, mais il est vrai que les idées sont moins nombreuses que pour les autres thématiques.
Est-ce que ça se travaille la confiance en soi ?
« Alors, ça se travaille la confiance en soi ? » Ma réponse est toujours la même : non. Ça ne se travaille pas. Je vous laisse imaginer la désillusion dans les regards quand j’annonce cela. Je n’essaie d’ailleurs même pas de m’appuyer sur des définitions. Mais évidemment, je ne vais jamais laisser un sportif sur cette réponse un peu froide !
J’ai beaucoup réfléchi, ne serait-ce que pour moi. Les entraîneurs, les préparateurs physiques, et même les préparateurs mentaux ont aussi le droit de manquer de confiance en eux. Combien de fois m’est-il arrivé de finir un entretien et de me dire : « tu as été nul » ? L’Autre a-t-il eu cette perception d’ailleurs ?
De temps en temps, je sors très satisfait de ma séance, je suis vraiment heureux d’avoir détruit une croyance, fait disparaître une douleur somatisée, ou je ne sais quoi d’autre. Tout va bien, j’ai une confiance illimitée en moi professionnellement ; celle-ci peut disparaître dans la vie personnelle en une fraction de seconde. Combien de fois me suis-je dit que ce je faisais pour les autres, j’étais incapable de le faire pour moi. J’ai pourtant des outils, des idées, du recul, et parfois je n’y parviens pas, ou je n’ose pas, tout simplement.
Peut-on être ultra confiant dans une partie de sa vie, et tout le contraire dans une autre ? Est-il possible de ne jamais avoir confiance en soi ? Quels sont les leviers pour la retrouver, combien de temps faut-il ? Avant de conseiller les sportifs sur cette thématique complexe, encore faut-il pouvoir le faire sur soi. Avec du recul, je commence à anticiper les événements qui vont me faire douter, mais mieux encore, à « relancer » la confiance en moi. Quand on voit venir un piège, on est capable de prendre les bonnes décisions, et ça peut aller très vite. En revanche, lorsqu’on est déjà tombé dedans, il faut être patient.
L’image de soi et l’image qu’on croit que les autres ont de soi
Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’étais aux yeux de tous un adolescent « négatif ». C’était d’ailleurs étrange, parce que je n’avais pas cette image de moi. J’avais conscience que j’étais capable de me faire plaisir dans des domaines dans lequel j’excellais, ça me rendait fort intérieurement. En réalité, je n’excellais pas vraiment, mais je le pensais ! La musique, l’écriture, le sport. J’étais capable de retenir des données inutiles qui me rendaient pourtant fier, l’altitude des sommets par exemple ! Je connaissais au mètre près la hauteur de chaque pic, chaque pointe du massif du Mont Blanc, des Écrins, voire même de certains cols ou refuges. J’avais appris par cœur des éléments de pétrographie, la densité de tels ou tels minéraux, leurs formules, les lieux de gisements, etc. C’était mon monde, et personne n’y pénétrait vraiment. Parfois, je « sortais ma science », sous les regards ébahis (c’est comme ça que je les voyais).
J’étais fier de savoir tout ça, et mon cerveau semblait attacher beaucoup plus d’importance à la date de la première ascension du Mont Aiguille qu’à la date de l’indépendance de je ne sais trop quel état dans le monde. Bien des années après, j’ai compris une chose essentielle : la musique, la composition plus précisément me faisait du mal, c’était toujours sombre et négatif, triste et mélancolique, malgré les apparences. Au contraire, mes écrits étaient toujours positifs. Lors des périodes de doutes, je jouais. Quand j’étais confiant et heureux, j’écrivais, j’étais inspiré. Presque inconsciemment, je me suis éloigné de la musique ; en même temps, difficile pour un étudiant de venir avec un piano dans sa petite chambre ! Ce break, je l’avais redouté, mais il m’a fait le plus grand bien. C’est bien plus tard que je suis revenu à la musique, différemment, en connaissance de cause.
J’ai toujours eu ce sentiment de ne servir à rien. Certes, je suis capable de jouer, d’improviser, de composer, d’écrire, de faire quelques jolies photos, de faire rêver, mais ça ne sert pas à grand-chose au quotidien. Le piètre cuisinier que je suis, le non-bricoleur que j’assume, par exemple, ne font pas de moi un homme à marier ! Je vous entends donc crier derrière ces pages : « mais si, tu es utile, c’est bien de faire rêver ».
Nous y voilà ! Et si la confiance était mêlée de près à l’image qu’on a de soi, et celle que les autres ont de nous ? La confiance semble résulter de nos réussites, ce qui la rend difficile à travailler. Le chemin est long ! La confiance surtout, peut se perdre en une seconde, puis se propager dans tous les domaines de notre vie si on n’y fait pas attention. C’est quand même normal de ne pas avoir confiance tout le temps, non ?
Confiance spécifique et confiance globale
Ne jamais avoir confiance en soi est plus problématique. Je pense qu’il faut donc distinguer la confiance en soi à court terme, celle dont on a besoin pour une période, une activité précise, et la confiance « globale ». Vous remarquez parfois comme un ami, un proche, un enseignant, un professionnel, peuvent vous redonner confiance en vous ? Vous repartez le sourire aux lèvres, le cœur léger, avec détermination et envie. Cette confiance-là peut se travailler, oui, avec différentes méthodes et outils, notamment la visualisation. Et comme en préparation mentale tout n’est pas que problématiques et remèdes miracles qui leur sont associés, quand on touche à la confiance en soi, on va aussi explorer d’autres thématiques : attention, émotions, stress, etc. C’est passionnant !
Travailler sur l’estime de soi
Je résume donc. D’un côté, on a une confiance à court terme, qu’il est possible de « booster ». De l’autre une confiance plus globale, qui demanderait la présence permanente d’un proche ou professionnel pour être maintenue ou améliorée. Vous me voyez être derrière chaque sportif qui manque de confiance en lui, au quotidien ? Non, je vous le dis, c’est impossible. Il faut donc lui donner quelques clés, quelques explications sur le fonctionnement de la confiance.
Cette confiance-là ne se travaille pas, pas directement en tout cas. En fait, elle résulte d’un travail parfois laborieux sur l’estime de soi. Sans rentrer dans les détails, je l’explique aux sportifs de cette manière : c’est comme une balance, une différence entre l’image que j’ai de moi, et l’image que je crois que les autres ont de moi. Si je me sens génial et que les autres ne semblent pas vraiment l’approuver, c’est conflictuel ! À l’inverse, si j’ai tendance à me sous-estimer alors que tout le monde me dit « tu es le meilleur », ce sera aussi un problème mentalement.
Travailler l’estime de soi, c’est donc apprendre à se connaître, à avoir une image de soi la plus réaliste possible. On doit parfois détruire quelques croyances limitantes, ces pensées que nous considérons comme vraies, qui nous déstabilisent, alors qu’elles n’ont même pas lieu d’exister ! J’insiste aussi beaucoup sur la persévérance dans le travail de l’estime de soi. Oui, il faut persévérer. Voilà pourquoi un enfant ira jusqu’au bout de son année de judo, même s’il n’aime pas ça depuis le premier trimestre. Finir ce qui a été entrepris, notre cerveau aime bien (tant que ce n’est pas dangereux !).
Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier
Si vous prenez un sportif de haut niveau, typiquement en âge d’intégrer un pôle France par exemple, vous verrez qu’il obéit à quelques lois. Les adolescents qui viennent me voir pour un problème de confiance en eux ont presque tous le même parcours. Il suffit de remonter le temps. Évidemment, cela concerne aussi les adultes, sportifs ou non. Mais l’exemple du haut niveau est intéressant et facile à comprendre. Pourquoi ? Les causes de la perte de confiance peuvent être nombreuses : blessure, changement d’entraîneur, chute d’un coéquipier, mauvais résultat inattendu, etc. Ce qui m’intéresse n’est pas forcément le révélateur du manque de confiance, celui qui a motivé le sportif à venir me voir.
Prenons donc le cas d’une gymnaste à haut niveau. Si on remonte dans le temps, on se rend compte qu’elle n’a cessé de progresser. Au fil des ans, avec l’école et l’entraînement, elle a fini par ne faire « que » de la gymnastique. Le jour où ça se passe mal, la confiance s’effondre. Croyez-moi, j’ai beau lui faire visualiser de jolis souvenirs, l’emmener dans de belles projections mentales, la faire respirer, lui parler positivement, ça ne suffira pas !
Premiers conseils pour retrouver confiance en soi
Les leviers pour retrouver confiance en soi ? Idéalement, des activités qui nous rendent fiers, dans lesquelles nous prenons du réel plaisir, et qui ne dépendent pas des autres. Cette jeune gymnaste, quand on approfondit un peu, a cessé au fil des ans la danse classique ou la guitare, de voir ses amis ou la construction d’œuvres d’art en rouleaux de papier toilette. Apprendre à se connaître, c’est déjà savoir ce qui nous fait du bien : aller au cinéma, lire des BD, jouer à la pétanque, etc. C’est aussi être en mesure de replanifier ses activités dans son emploi du temps. Vous n’avez pas le temps ? Non, vous ne prenez pas le temps, n’est-ce pas ? C’est vital !
Mieux vaut 5 minutes par semaine, que rien du tout. Et si c’est davantage, tant mieux. Commence alors une discussion très enrichissante sur « à part ton sport, tu aimes faire quoi ? ». Parfois, c’est le néant. Il faut du temps. Apprendre à observer ce qu’on aime faire, vivre. Il faut aussi se projeter, avoir d’autres projets que des objectifs sportifs. Combien de fois ai-je entendu « j’adore passer du temps avec mes copines, mais je n’ai pas le temps » ? Combien de fois ai-je entendu « ah bah si, en fait, c’est possible » ?
C’est exactement de cette manière que je fonctionne personnellement quand je commence à identifier une perte de confiance, ou quand elle est déjà bien là, parce qu’arrivée soudainement ! J’écris des petits poèmes, des nouvelles, et ça me rend heureux, parfois fier d’avoir réussi. Je pars en montagne prendre quelques photos. J’invente un petit jeu de société. Je me challenge sur la réussite d’un Rubik’s Cube. Comme j’adore rencontrer de nouvelles personnes, je me lance. Il en suffit d’une ou deux, mon cerveau adore ça. Je peux aussi m’isoler pour réfléchir. Cela m’aide à prendre du recul, et la magie opère toujours. Focaliser mon attention sur ces activités qui me font du bien, dans lesquelles je ne me sens pas jugé, c’est excellent !
Oui, mais encore faut-il leur prévoir une place. À l’inverse, quand je constate qu’à un moment donné je ne suis focalisé que sur mon travail, que j’ai tout arrêté à côté, je le prends immédiatement comme une alerte ! C’est aussi à ce moment que ma femme me voit revenir tout gentiment, avec des envies de restaurants (de vraies envies !), en me rappelant aussi qu’une vie de couple est tout aussi nécessaire qu’une vie de famille. Me sentir bien, équilibré, curieux, à l’écoute, c’est à coup sûr me sentir bien dans mon métier. Depuis des années, je me bats pour que les adolescents puissent intégrer dans leur entraînement d’autres activités. S’entraîner, c’est aussi prendre soin de sa tête. Parce qu’au final, le jour J on arrive avec le physique qu’on a. Et c’est au mental de prendre le relais.
Pour conclure
Il faudrait écrire tout un ouvrage sur l’estime et la confiance, et d’ailleurs il en existe déjà un certain nombre ! Je trouvais intéressant le fait de ramener la notion de vulnérabilité sur le plateau. Etre préparateur mental ne garantit pas la confiance illimitée à vie. Au même titre qu’être psychologue ne protège pas des dépressions.
Ce sont souvent nos faiblesses temporaires qui font la différence, qui deviennent nos forces. Un sportif ne sait jamais qu’une période de doute peut le faire grandir davantage. Ces moments de fébrilité, de remise en question, sont essentiels. J’y puise beaucoup d’inspiration. Et mon métier me sert à une chose : savoir en sortir, quand je le décide, quand les voyants clignotent. Accepter, ressentir, c’est certainement beaucoup plus enrichissant que d’apprendre dans les livres. Les sportifs, les entraîneurs, les préparateurs… sont tous humains !