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Focus sur l’imagerie mentale

La première fois que j’ai entendu parler d’imagerie mentale, j’ai trouvé le terme presque apeurant, comme si on allait faire faire à mon cerveau des choses incroyables. J’étais étudiant en STAPS. Je me suis alors retrouvé avec quelques étudiants, à pointer des cibles avec l’index de la main gauche, les yeux ouverts, puis les yeux fermés. C’était un travail de précision, et l’enjeu était de savoir si l’apprentissage que j’allais faire à gauche allait faire progresser la partie droite de mon corps. Autrement dit, allais-je améliorer ma précision lors d’un pointage main droite, en ayant travaillé tout cela à gauche ? Vaste question, vaste sujet aussi, et les études aux résultats extraordinaires ne manquent pas ! D’ailleurs, certaines sont contradictoires, mais l’imagerie mentale reste un outil ultra puissant qu’il faut apprivoiser, s’approprier. Je vous propose donc un focus sur cet outil hors du commun.

Les images mentales ne sont pas que visuelles

Nous avons tous la capacité d’imaginer un son, une image, un geste, un goût, une odeur, une sensation même, avec plus ou moins de réalisme, et plus ou moins de clarté. Les images mentales ne sont pas uniquement des images visuelles, et un sportif n’a aucun intérêt à se limiter à la vision lorsqu’il répète mentalement sa course, sa figure, sa trajectoire. Ajoutez donc des applaudissements mentaux, ça change quoi pour vous ? S’entraîner en imagerie mentale, c’est jouer avec différentes modalités sensorielles. Encore faut-il identifier les plus intéressantes pour vous ! Et même si par exemple on se concentre sur la vision, il est possible d’ajouter de la saturation aux couleurs, ou de passer une scène en noir et blanc, de sélectionner le bleu uniquement, etc. Quand on piège notre cerveau, ça change un peu de sens pour une fois, il est même possible d’atteindre des résultats surprenants. Allez dire à quelques personnes que ce yaourt nature à l’étiquette jaune est au citron de Sicile, certains lui trouveront un goût citronné très prononcé. Sans même nous en rendre compte, nous utilisons l’imagerie au quotidien, pas uniquement en sport. Qui n’a jamais eu une musique dans la tête ?

Amour, gloire et beauté

J’évoquais précédemment les résultats parfois surprenants de quelques études ; soyez certains que des gens peu scrupuleux se sont emparés de certaines interprétations, jusqu’à tirer des conclusions hâtives et mensongères. Dans le monde du sport, il m’arrive de lire sur certains sites de « préparateurs mentaux » que grâce à l’imagerie vous allez pouvoir progresser de 21 % en force, juste en s’entraînant mentalement à simuler des contractions. Tant qu’à faire, si ça peut éviter quelques séries de tractions pour être au top sur la plage, pourquoi pas ! Soyons un peu sérieux.

L’imagerie mentale est utile, elle permet de « gagner » un peu plus, mais elle ne remplacera jamais la pratique. Elle est donc complémentaire. La dernière mode du moment, c’est que nous pourrions progresser en endurance, simplement en se voyant mentalement courir. Soit, mais pour qui, et dans quelles conditions ? Il faut avoir toutes les données pour généraliser les résultats de telles études.

Qui peut faire le grand saut en imagerie mentale ?

Et pourtant, je suis un fervent défenseur de l’imagerie mentale, dont l’efficacité n’a rien à prouver, notamment en termes d’apprentissage. Les puristes vont m’arrêter, il paraît que le travail en imagerie doit se faire uniquement sur un geste connu. Ne pas bien imaginer, ou imaginer (en fait, je préfère « imager ») d’une manière médiocre, ce serait prendre le risque d’échouer. Je suppose que celui qui a fait pour la première fois un back flip en VTT du haut d’une barre rocheuse n’avait pas forcément appris la figure sur cette même barre rocheuse en mettant en bas des cubes de mousse. Je crois au contraire qu’il faut savoir faire confiance à son cerveau. A partir d’un certain niveau de pratique, s’il imagine, c’est qu’il se croit capable de réaliser tel ou tel geste, telle ou telle figure. Cependant, soyons prudents, pas d’imagerie mentale de gestes (images motrices) chez des débutants. De toute façon, quand on débute, autant pratiquer.

L’imagerie mentale ailleurs qu’au bureau !

Dans la tête des sportifs, l’imagerie mentale est forcément réalisée au calme, dans un bureau avec le « coach », ou chez soi en autonomie. C’est une erreur ! Oui, l’imagerie peut se travailler dans ces conditions, mais il faut l’utiliser aussi sur le terrain. Imaginez-vous dans votre sport pendant que vous faites un développé coucher, et observez les gains ! Et si c’est la performance pure de cet exercice qui vous attire, au moment où vous remontez la barre, imaginez une force incroyable dans vos muscles, de l’électricité, ou du vert fluo, ou je ne sais quoi d’autre. Ce sera toujours mieux que de se dire « c’est lourd », ou de penser à votre liste de courses. L’imagerie peut être utilisée pour le développement de la confiance en soi, l’apprentissage, la motivation, la rééducation, pour donner du sens à ce qu’on fait, transférer, anticiper etc.

Lorsqu’on est suffisamment entraîné, on peut constater des effets spectaculaires. Il m’arrive de mettre un cardiofréquencemètre aux sportifs pendant une séance d’imagerie. Le simple fait de s’imaginer dans son sport peut considérablement augmenter la fréquence cardiaque !

L’imagerie mentale en pratique

Dans les options possibles, le travail en imagerie peut se faire :

1 A la première personne (perspective interne) : je suis acteur de ma performance.

2 À la troisième personne (perspective externe) : je me vois comme si j’étais spectateur.

Spontanément les sportifs choisissent beaucoup la perspective interne. Mais certains préfèrent se voir en tant que spectateurs. Il est bien évidemment possible d’utiliser les deux modes ! La perspective externe permet parfois de prendre du recul (douleur, souffrance dans l’effort…), ou de se rendre compte du chemin parcouru (« je suis bientôt arrivé »). La perspective interne permettrait de mieux assimiler un geste technique. J’utilise le conditionnel, car même si je suis plutôt d’accord, certaines études montrent qu’il n’existe pas vraiment de différence.

On peut aussi jouer sur la vitesse :

1 Vitesse réelle

2 Vitesse lente : pour un travail de précision par exemple

3 Vitesse accélérée : pour dynamiser, passer les parties simples d’un enchaînement, etc.

Dans tous les cas, il me semble opportun de terminer sa répétition mentale à vitesse réelle, pour être au plus proche de la réalité.

Un exemple en gymnastique

Une sportive est venue me voir un jour pour une figure qu’elle n’arrivait pas à faire sur une poutre. Je me suis rendu compte que ce qui bloquait, c’était la peur de mal poser les pieds. On arrive à cela en faisant verbaliser l’action, car cela vient rarement de manière naturelle. Elle n’avait pourtant aucune difficulté à réaliser l’exercice sur cette même poutre abaissée au niveau du sol. Nous avons travaillé mentalement sur cette sensation, le contact précis entre l’hallux droit et la voûte plantaire du pied gauche. Et puis, comme tout le reste était automatisé, connu, j’ai demandé à cette gymnaste de porter son attention précisément sur ce contact une fois qu’elle avait lancé son enchaînement en imagerie mentale. Comme pour rappeler à son cerveau le trajet à prendre. C’est exactement comme dans la réalité, on peut choisir de reprendre la main sur son attention, sur ce que le cerveau nous propose. Parfois, la peur ou l’échec modifient un trajet, et un simple détail permet de rebondir. Grâce à la qualité de son imagerie, tout le mérite lui revient, 2 séances auront suffi pour qu’elle atteigne son objectif.

Quand « ça veut pas », « ça veut pas » !

Le pire des cas, c’est quand un sportif ne parvient pas à réussir son mouvement mentalement. La question « est-ce que tu as réussi » est loin d’être stupide, j’ai déjà rencontré quelques fois cette situation. Là, c’est un peu comme du montage vidéo, il va falloir travailler sur la séquence, petit à petit, en jouant sur les différentes vitesses.

Au ralenti, il est parfois plus simple d’identifier à quel moment ça coince, à quel moment tout se bloque et tout déraille ! On peut se focaliser sur cette séquence, jouer avec les différents modalités, agir sur quelques variables. A un moment, ça passe ! On ne sait jamais comment ni pourquoi, il faut essayer, prendre le temps ; Essayer, valider, puis renforcer pour que ce soit acquis.

Enfin, si le sportif réussit mentalement mais qu’il est toujours bloqué dans sa pratique, retroussez vos manches, jouez avec les champs attentionnels, faites verbaliser, prenez une grande inspiration, armez-vous de patience : vous êtes prêts. Il va falloir trouver ce qui bloque vraiment, et ça peut être un détail qui peut paraître mineur. C’est un outil et non une baguette magique. Et ça se saurait s’il suffisait d’appliquer bêtement une recette miracle !

Conclusion en image

Cela peut paraître incroyable, mais je vous encourage vivement à vous intéresser à la vidéo, ou à la photographie, histoire d’avoir conscience des possibilités « visuelles » qui s’offrent à nous ! Température de couleur, contraste, la luminosité des tons clairs aux tons sombres, clarté, vignettage, saturation, et j’en passe… tout ça peut donner des idées. Encore faut-il être suffisamment à l’aise pour illustrer ses propos face à un sportif. C’est vrai que l’imagerie mentale est souvent réduite à l’utilisation des images visuelles. Je pense que, malgré tout ce qu’on entend (eh eh), notre cerveau est avant tout visuel.

Cela dit, progresser au niveau auditif et kinesthésique, c’est encore mieux. Quand on arrive à coupler visuel – auditif – kinesthésique, c’est bien plus efficace. On dit que l’imagerie est un outil, et c’est vrai. On peut avoir des connaissances sur le sujet. Seulement voilà, si vous êtes capable d’en parler, de l’illustrer, de guider, alors elle n’est plus seulement un outil. C’est un outil avec la bonne notice.